Synecdoque et métaphore : beau cul vs déesse callipyge

Publié le par Miss Cynik

     Prenons un individu Y, qui voyant Miss Cynik, s’exclame : « Salut beau cul, comment vas-tu ? » On comprendra immédiatement que le locuteur ne s’adresse pas à la partie charnue et postérieure de Miss Cynik, partie qui bien que dotée, tout comme le visage de la même personne, d’un orifice ne possède pas de faculté de communication. Excluons donc d’emblée cette hypothèse, même si elle est étymologiquement plausible, puisque comme chacun sait, s’enquérir du bien être de quelqu’un passe par l’interrogation du bon fonctionnement de son appareil digestif « Comment vas-tu ? _ Je vais bien. ».

     Le locuteur Y utilisant en effet la langue de Shakespeare, denuée du charme de la rime de sa version française, dira : « Hi beautiful ass, how are you ? ».  Demander à un « beau cul », comment il est, revenant à un non-sens. Une sorte de tautologie.

Il nous faut donc admettre que le locuteur Y désigne Miss Cynik par une partie d’elle-même, son cul. Nous sommes linguistiquement face à une synecdoque, abondamment utilisée en poésie, ainsi Hugo disait : « Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur. », les voiles ayant dans le poème pour référent l’ensemble du moyen de locomotion, les bateaux.

Mais alors… Quel poète que cet individu Y !

     Comme chacun sait, et en particulier tout bon candidat à l’épreuve anticipée du baccalauréat, il ne faut pas aller trop vite en besogne : identifier la figure stylistique employée par son auteur ne sert de rien si l’on ne cherche pas à lui donner un sens. Et oui ! Car même si, comme tout un chacun nous nous sommes révoltés contre ce décorticage systématique des textes, auquel les professeurs de français nous ont forcés à nous livrer (ben tiens, pourquoi qu’il aurait pensé à tout ça, l’auteur ? Qu’est-ce qui nous le prouve ?), force est d’admettre que l’individu Y aurait pu dire à Miss Cynik « Salut Miss Cynik, comment vas-tu ? »

Ainsi nommer un individu par une de ses parties ne peut être complètement innocent de la part du locuteur et révèle une intention envers son récepteur. Le locuteur ne se contente pas d’évoquer la partie pour le tout, il adjoint à « cul » le qualificatif « beau », faisant référence à une des spécificités, indiscutablement avantageuse, du postérieur en question. « Beau cul » serait donc une figure d’insistance, une manière d’attirer l’attention sur une qualité bien précise de l’individu détenteur du postérieur. Pourtant, le doute subsiste. Pour ce faire, le locuteur aurait pu utiliser une toute autre formule, comme le fit dix ans avant l’individu R, en employant le terme de « déesse callipyge » (callipyge du grec  "kallipugos"  : aux belles fesses) à l’endroit de Miss Cynique (on serait tenté de dire "à son envers"), préférant lui aussi une figure au sens comparable, et pourtant avec une toute autre portée.

     Remarquons tout d’abord que cette fois le terme ne se concentre pas sur une partie, mais sur l’ensemble de la personne. Toutefois, son auteur tout en s’adressant à Miss Cynik, a parfaitement conscience qu’il ne s’adresse pas à une déesse, toute callipyge qu’elle soit. Ainsi donc se fait jour dans l’esprit du récepteur un rapprochement entre deux réalités bien distinctes, Miss Cynik et une déesse, avec cependant des vertus communes : un beau cul. Il s’agit cette fois d’une métaphore, rapprochement de deux termes sans mot de comparaison (Il serait maladroit de dire « Salut miss Cynik qui ressemble à une déesse callipyge, comment vas-tu ?  alors que « Oh déesse callipyge, comment vas-tu ? » bien que grandiloquent, passe beaucoup mieux).

     « Déesse callipyge » nous amène du côté de la statuaire gréco-romaine, aux qualités esthétiques indiscutables. Pour autant, la Vénus ici évoquée reste… statufiée, a pour fonction, outre d’être vénérée, d’être appréciée avant tout par l’œil. Cela confère au derrière un caractère rare, voire inaccessible.

      La réalité de « beau cul », elle, est plus… palpable. Le locuteur Y préfère au locuteur R une réalité dite triviale, que l’on avait d’emblée soupçonnée grâce à l’identification d’un registre de langage moins élevé que celui utilisé par le locuteur R.

     Quelles sont donc les intentions du locuteur Y ? Attirer l’attention, tout comme le locuteur R, sur la spécificité des fesses de Miss Cynique, mais d’une manière plus terrestre que ne peut le faire le vocable « déesse » immanquablement plus céleste, sacré.

     Reste l’appréciation du récepteur : faut-il se flatter de vouloir être troussée grâce à ses appâts exceptionnels mais limités à une zone excluant le reste de son être, ou d’être vénérée pour ces mêmes appâts en risquant la frustration de l’inaccessibilité ? Y’a-t-il une alternative possible au dilemme bien connu de « la maman (car qui est plus sacrée que maman ?) ou la putain » ?

Publié dans Langages

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Mon artcle préféré. Plein de sarcasmes et de pertinence: peut-etre la meilleure définition du cynisme de la Miss. Ne suis pas Jelinek!
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